Confidences de maman : J'ai eu beaucoup de mal à créer du lien avec Raphaël
Publié le
11/01/2021
Catégories :
Bébé à l'hôpital
, Etre parents de prématurés
Lucille a donné naissance à Raphaël à 24SA de grossesse. Son accouchement, les difficultés à créer du lien avec son enfant, le parcours de Raphaél...elle nous livre son témoignage touchant.
Comment s’est passé votre accouchement ?
J'ai accouché il y a plus de 6 mois, et c'est toujours un traumatisme pour moi. J'étais hospitalisée depuis deux jours lorsque les contractions ont recommencé. Lors de mon arrivée à l'hôpital, un vendredi soir, les pédiatres m'avaient dit qu’il fallait que je tienne jusque lundi matin aux alentours dés 7h, pour que les médecins puissent commencer à enregistrer le cœur de Raphaël et essayer de le sauver. Dans la nuit de dimanche à lundi, les contractions se sont rapprochées et étaient de plus en plus fortes. Lundi matin à 6h, je n'en pouvais plus mais il fallait que je tienne jusque 7h du matin ! Vers 7h, j'ai appelé les sages-femmes. J'ai été emmenée au bloc, en code rouge. Les sages-femmes courraient en poussant mon lit dans les couloirs ; mon mari courrait derrière elles.
Arrivée dans une salle de travail, j'ai été entourée de 5 ou 6 personnes, on a pris ma tension, on m'a posé des questions mais je ne me souviens plus de ce qui s'est passé, j'étais comme sortie de mon corps, désemparée par la situation. La pédiatre m'a annoncé qu'on allait faire une césarienne, qu'on partait au bloc ; mon mari n'a pas pu nous suivre, ils ont embarqué mon lit et je me suis retrouvée dans un bloc opératoire, entourée d'une dizaine de personnes, on me posait des tonnes de questions, on m'a fait des piqûres, installée une sonde, branchée des trucs dans mes perfusions... Et là c'est le trou noir. Je me rappelle que je priais pour que mon bébé soit en vie, je priais pour qu'il s'en sorte, j'avais peur pour lui, pas pour moi. J'aurai tout donné à ce moment-là pour qu'il survive.
Je l'ai entendu crier, une infirmière m'a demandé son prénom, on l'a posé sur ma joue mais je n'ai aperçu que des petits doigts, ils l'ont emmené et j'ai sombré. J'ai accouché à 7h41, je me suis réveillée vers 11h, complètement paniquée, j'avais peur qu'on m'annonce la mort de mon bébé. J'ai pu aller voir Raphaël quelques minutes, mon état ne permettait pas que je reste trop longtemps. Tout était fini, et pourtant tellement de choses venaient de commencer. J'avais l'impression d'avoir perdu mon bébé.
Comment se passait votre quotidien à l’hôpital ?
Nous sommes restés papa et moi, 5 jours à l'hôpital, nous n'étions pas avec Raphaël mais pouvions aller le voir H24. Durant ces 5 jours, les infirmières, les sages-femmes, toutes ont été tellement douces et à l'écoute. Nous les remercions infiniment.
Notre parcours, par la suite, a duré 117 jours. Raphaël a mené son combat pour la vie pendant 117 jours, avec de nombreux bas mais aussi beaucoup de hauts. Nous avons eu la chance, d'avoir une équipe de néonat tellement douce, à l'écoute, proche de nous. Nous avions l’impression que Raphaël était entouré de plein de tatas et tontons, qui l'aimaient eux aussi, lorsque nous n'étions pas là, de manière physique avec lui.
Avez-vous eu des difficultés à créer du lien avec votre bébé ?
J'ai eu beaucoup de mal à créer un lien avec Raphaël, les premières semaines. J'avais l'impression que Raphaël ne m'aimait pas. J'avais l'impression qu'il savait qu'il était dans cette couveuse à cause de moi, à cause de mon corps qui n'a pas su porter cette grossesse. Au bout d'une semaine, nous avons pu commencer le peau à peau. Il était très stable sur son papa et complètement en panique sur moi, il enchaînait les bradycardies, les malaises respiratoires etc... J'avais l'impression que seule la présence de son père l'apaisait et je culpabilisais deux fois plus.
Les infirmières et puéricultrices m'ont beaucoup aidé, à prendre confiance en moi, à comprendre que ce n'était pas ma faute. Elles m'ont aidé à prendre ma place de maman auprès de Raphaël, elles m'ont impliquée dans les soins etc...
Malheureusement, nous avons dû faire un mois d'arrêt dans les peau à peau. Du 11 juillet au 11 août, nous n'avons pu le prendre sur nous. Raphaël était trop instable et la sortie de la couveuse était trop dangereuse pour lui. C'est à travers les parois de la couveuse que nous avons créés notre lien, je lui ai lu des histoires, chanté des chansons, je lui racontais notre quotidien sans lui, et toutes les bonnes choses que nous avions à lui offrir. Ces moments ont été des plus précieux, lorsque nous avons repris les peaux à peaux en août, nous avions créé notre lien, et Raphaël a apprécié chaque câlin.
Comment avez-vous vécu le retour à la maison sans votre bébé ?
Très mal. J'avais l'impression d'être vide, d'être seule malgré la présence de mon mari et de ma famille. Je voulais être seule, sauf quand j'étais avec Raphaël. Je ne supportais pas de parler, de voir des gens, d'être en société. Je remercie mon mari d'avoir été si patient, si attentif et compréhensif avec moi, le pauvre a subi mes sauts d'humeur, mes crises de larmes…Je pleurais dès qu'on passait la porte de l'hôpital, jusqu'au couché du soir...
Comment va Raphaël aujourd’hui ?
Aujourd'hui Raphaël a 6 mois d'âge réel, et 2mois d'âge corrigé. Il va bien, du mieux que peut se porter un bébé prématuré. Il ne porte pas sa prématurité sur le corps, il est en forme, il a de belles joues, de belles cuisses... Il mesure 58 cm (31 à la naissance) et pèse 5k400g (675g à la naissance).
Il reste un enfant très suivi, on enchaine les rendez-vous à l'hôpital et en libéral.
Raphaël s'est fait opérer des yeux, deux fois, il a donc souvent des examens de contrôles, toutes les 6 semaines environ. Nous voyons notre super pédiatre une fois par mois. Nous avons des rendez-vous kiné 2 à 3 fois par semaine.
Lors d'une fibroscopie, les médecins ont trouvé des kystes dans son larynx, il a également une corde vocale paralysée, il est donc très surveillé dans ce sens. Les examens neurologiques sont bons, il ne porte pas de retard pour le moment. C'est un bébé très énergique qui ne s'arrête jamais ! Il rit, il joue, il fait notre joie de vivre.
Quel conseil pourriez-vous donner aux parents de bébés prématurés ?
Jamais lâcher ! Toujours croire en leur bébé ! Toujours leur faire confiance ! S'accrocher au positif ! Valoriser le positif !
Votre histoire personnelle vous donne-t-elle l’envie de vous investir auprès des familles de prématuré ?
Nos 4 mois d'hospitalisation m'ont laissé le temps de réfléchir, sur mes besoins en tant que maman. Nous avons eu la chance d'être très bien entourés au centre hospitalier d'Arras. Les pédiatres, les puéricultrices ont été nos héros du quotidien !
Nous ne les remercierons jamais assez !
Cependant, en tant que maman en détresse, maman perdue face à la situation, j'ai manqué d'un "réseau de maman", j'ai cherché des nuits entières sur les réseaux sociaux des mamans qui auraient vécues la même situation que nous, et j'en ai trouvé. J'ai fait de magnifiques rencontres, mais j'aurais aimé en faire dans ma région, avoir un soutien physique en plus du soutien moral. J'ai aussi manqué d’outils pour créer ma relation avec Raphaël. J'aurais aimé pouvoir fêter chaque victoire comme il le fallait, j'aurais aimé apprendre plus tôt à m'attacher aux bonnes choses plutôt qu'aux choses négatives.
Depuis quelques mois maintenant, je travaille sur la création de mon association. Je ne peux pas donner trop d'informations pour le moment ; le projet est en cours et devrait, je l'espère, voir le jour avant les vacances d'été.
Mon objectif est d'aider les familles en lien avec les équipes de néonatalogie. J'aimerais offrir aux familles, des outils, des conseils, un réseau de Wonder parents pour les accompagner.
delhaye jean pierre a commenté le 13/01/2021
Nous sommes passés par là Catherine et moi avec une issue différente alors je comprends très bien l'anxiété, la culpabilité et la peur du très proche avenir, mais cela reste une aventure exceptionnelle qui rendra votre amour pour Raphaël encore plus fort et le grandira tout au long de sa vie Alan et toi méritez ce bonheur vous avez tant d'amour à donner je suis très heureux pour vous et vos familles...je vous aime...Parrain...