Confidences de maman: “Je ne sortirai pas de l'hôpital"
Publié le
26/01/2021
Catégories :
Bébé à l'hôpital
, Etre parents de prématurés
Stella, maman de jumelles, nous raconte son parcours. De ses premiers maux de grossesse, jusqu’à la naissance prématurée de ses filles.
Vous avez accouché prématurément de vos jumelles, pouvez-vous nous raconter votre histoire ?
Je suis tombée enceinte très rapidement, alors que j’étais persuadée que cela prendrait du temps. Après l’annonce de la grossesse, nous avons rapidement appris que deux petits bébés grandissaient dans mon bidon. En dépit des recommandations peu humaines du gynéco qui me suivait jusqu'alors : ne pas m’attacher aux deux foetus (pire phrase ever...), c’était une belle surprise pour un couple souhaitant deux enfants. On a très bien pris la nouvelle, certainement car c’est nos premiers bébés, du coup et nous n’avions pas de point de comparaison :).
Mon premier trimestre a été en revanche affreux, malgré mon bonheur : des nausées permanentes jusqu’à la révulsion, j’étais incapable de me nourrir et j’ai perdu 10kg d’entrée de jeu. J’attendais avec impatience la suite de la grossesse pour profiter de mon état et me voir devenir toute ronde en ayant un très bon pressentiment pour la suite. Je voyais cette grossesse comme un moment parfait, et ce malgré ce premier trimestre difficile. Pour moi, mes bébés, il allait falloir venir les chercher, j’en étais convaincue !
Et puis j’ai commencé à sentir une grande fatigue, dès juin, à moins de quatre mois de grossesse, rapidement mis sur le compte de la gémellité plus difficile à porter, en particulier pour une “nullipare”. J’ai été arrêtée dès le 20 juillet, et clairement ma dernière quinzaine de travail était de trop (à postériori), j’étais à bout de force mais je voulais finir ce que j’avais dans ma ToDo List (je n’y suis pas parvenue).
J’ai eu une semaine de vacances parfaite en famille avant que les choses ne dégénèrent à partir de la 22éme semaine. Un utérus contractile et une sensation de pesanteur constante qui m’ont amené aux urgences sur mon lieu de vacances et une première descente en salle de naissance.
Par la suite, je me contente du minimum mais je souffre de la canicule et des chaleurs. C’est finalement mi-août que je me décide à me rendre à l’hôpital qui me suit, Trousseau, à 25SA, car j’avais un mauvais feeling teinté d’espoir.
J’y allais pour prévenir plutôt que guérir comme je disais, finalement j’ai été très inspirée... Les filles vont très bien mais mon col travaille déjà, on me fait les injections en règle et le travail est arrêté sous Adalat. Je suis placée en observation quelques jours mais je ne sortirai finalement pas de l’hôpital car ma poche se rompt de manière inopinée à 26+5, sans raison, alors que je suis immobile depuis presque une semaine dans mon lit d’hôpital. À ce moment-là je mêle colère et incompréhension, contre mon corps en qui j’avais tellement confiance, contre le sort qui met en grand danger mes enfants bien trop petits. J’ai peur de vivre un drame, et je pleure beaucoup !
Les filles sont surveillées, un ou deux monito par jour, elles pètent la forme et font les folles dans mon bidon, je souffre beaucoup en somme. Je tiens finalement une semaine de plus, ce qui est déjà énorme, les équipes n’en attendaient pas tant de ma part vu mon état...la réa-néonat était prévenue de ma situation dès mon arrivée à l’hôpital, soit depuis plus de dix jours. J’ai toujours tendance à minimiser mes souffrances, mais le corps médical n’était visiblement pas dupe.
Dans ce long et court laps de temps, on décore ma chambre avec mon conjoint, nous sommes en septembre et je me vois passer l’automne dans cette chambre que je déteste et que j’aime à la fois. Les journées sont longues, les visites interdites à l’exception de mon compagnon... heureusement la télé est là et je me gave de conneries en perdant environ 2944898929858 neurones.
Le 05 septembre, alors que je ne trouve pas le sommeil, j’ai de nouveau un mauvais feeling, je mesure ce que je pense être de nouvelles contractions et suis descendue, en larmes, en salle de naissance à 4h du matin. Mes filles naîtront le 06 septembre à 23h après un travail actif rapide (précipité même), suite au déclenchement car mon col, trop court et ramolli ne résistait pas aux contractions régulières, le risque infectieux étant trop important. Je détaille toute cette partie sur mon blog ici si besoin.
Comment avez-vous réagi face au choc de cette naissance ? Quels sentiments vous ont envahi durant cette période ?
Mal, effondrée et excitée à l’idée de les rencontrer ! L’ambivalence incarnée en somme. Les équipes ont été géniales et m’ont tout appris dans la précipitation en nous apportant un soutien sans faille : pousser, gérer la douleur, le dos rond de la “péri”... Notre peur était ponctuée par notre curiosité. Je crois qu’on ne se rendait pas compte de la fragilité qui menaçait nos filles, on faisait avec ce qui se présentait, on n’avait pas le choix en fait. Je tremble beaucoup lorsqu’on me passe en salle de naissance, de froid, ou de peur, je ne me souviens pas clairement...Je suis terrifiée à l’idée d’accoucher par voie basse mais l’équipe m’a bien briefée.
Moi qui ne jurais que par la césarienne, je file vers la délivrance la plus physiologique qui soit, ce qui peut paraître un peu dérisoire compte tenu de la situation... C’est finalement très important et on vit un moment très fort avec mon compagnon, présent derrière moi, à me tenir la tête et le dos, et à m'encourager.
N’ayant aucune séquelle physique, suite à un accouchement par voie basse sans complications, j’ai rapidement voulu quitter l’hôpital. C’était certes être moins proche de mes filles, mais séjourner dans cette chambre qui nous avait connues toutes les trois en une était insoutenable. Personne n’y a vu d’inconvénient, et j’ai pleuré de joie en retrouvant mon appartement. Je dirais que j’ai beaucoup pleuré globalement, le post partum de base, et l’angoisse de la santé de mes enfants. On a vidé des sacs de larmes avec mon conjoint,j 'ai été relativement insupportable car je m’en voulais, enfin j’en voulais à ce corps parfait sans trace et séquelle. J’aurai été prête à souffrir pour sauver mes filles.
Qu’est-ce qu’il vous a aidé à garder espoir, à vous rassurer ?
Les équipes d’infirmières, et le crew des médecins en réa-neonat avec qui nous avons pu tisser une relation de confiance. Des bébés nés à 27+5, c’est la promesse d’un long parcours potentiellement chaotique, donc c’est important de pouvoir être en confiance et poser toutes les questions qui peuvent nous passer par la tête.
Nous avons un fort besoin de comprendre et de savoir avec mon compagnon, et demandions des points réguliers alors que rien de particulier ne se passait, mais les équipes se pliaient à nos demandes. L’un des médecins extraordinaires que nous avons côtoyés nous a dit cette phrase qui résume tout : “vouloir bosser en néonat, et en pédiatrie, ce n’est pas seulement traiter les enfants, c’est aussi sauver les parents, donc vous représentez 50% de mon travail”.
On s’est confinés avant l’heure avec mon compagnon pour éviter de chopper les maux de l’automne et se priver de nos filles. Et puis, les restos ont fermé... Les distractions étaient vraiment maigres, les journées à l’hôpital et la routine du quotidien nous ont fait tenir ! J’aurais tout donné pour voir ma famille, prendre un verre en terrasse, voir mes amis... Les parents de mon compagnon ont aussi le droit exceptionnel de venir voir les filles en fin de parcours (les miens habitent trop loin). Un cadeau inespéré qui a donné beaucoup d’humanité à cette chambre de néonat qui devenait une prison (on y a passé presque deux mois en tout) !
Ce qui nous a aussi aidé, c’est être pris en charge psychologiquement par les psys de l’hôpital que nous voyions ensemble tous les dix jours. Poser des mots, objectiver, ça sauve. A la fin du long parcours, le chemin vers l’hôpital était imblairable, mais nous avons sincèrement aimé certaines de nos infirmières de choc et étions heureux de les voir, paradoxalement elles me manquent aujourd’hui !
Quels conseils pourriez-vous donner aux familles qui vivent la naissance prématurée de leur enfant ?
Mention première ; ne pas se mettre de pression sur l’allaitement, mais demander de l’aide si c’est un projet. Je n’avais perso aucune attente sur la question, mais ai été complètement portée par les infirmières de réa ce qui m’a permis et me permet encore de couvrir les besoins de mes filles, et de combler le trou qui s’était créé entre nous. L’allaitement peut sauver un parcour préma quand il se met bien en place, ou au contraire accentuer encore la culpabilité de la mère, donc ne VRAIMENT pas lésiner sur l’accompagnement. Perso j’ai juste eu une chance folle.
Phase 2, Nidifier : Vinted, est votre meilleur ami pour attraper des lots de langes, de petits habits à bas coût et surtout de vous permettre de créer votre futur environnement sans quitter la chambre de vos enfants. Certains parleront de mauvais œil, moi je vois de l’espoir et de la force dans la projection. Je racontais à mes filles ce joli mobile poisson que je leur avais trouvé, et je pliais amoureusement ces petits pyjamas qui un jour seraient trop grands pour elles.
Interludes, lâcher la rampe : niveau lâcher prise, en temps de confinement, on a eu recours à deliveroo pour combler nos estomacs, mais clairement les loisirs étaient maigres. Le cerveau est un peu KO à la fin de la journée, donc ne vous en voulez pas si vous finissez devant les reines du shopping…
Point droit : le congé pour enfant hospitalisé ouvert au conjoint. A prendre rapidement pour se garder le congé paternité ou affilié pour le retour à la maison.
A cotés virtuels : j’ai trouvé peu de réconfort sur le groupe Facebook de SOS préma mais ai apprécié de discuter sur des forums moins spécialisés, liés à Jumeaux et Plus, ou n’ayant rien à voir. Je me suis aussi retrouvée dans l’écriture.
Comment vous sentez-vous aujourd’hui, et vos filles ? Que retenez-vous de votre parcours ?
Mes filles ont bientôt cinq mois d’âge réel, deux en corrigé. On est clairement toujours en ajustement mais notre parcours a été très simple et sans heurts (à part un bloc, un rhume et une gastro haha, quand même), une chance folle !
La HAD (hospitalisation à domicile) nous a permis un atterrissage en douceur et nous avons pris nos marques et trouvé le fonctionnement de nos filles. Je n’ai pas l’impression de garder des séquelles psy de cette horrible période, mais je me souviens très bien de toutes les larmes versées en particulier sur la fin. Je pense surtout que si d’aventure nous en voulions un 3ème, ça sera peut-être rédhibitoire... Notre couple n’a pas spécialement souffert, mais il est difficile de trouver le temps et l’envie de se rapprocher physiquement dans toutes ces tempêtes, il faut un temps pour chaque chose et j’ai hâte de revenir à la normale amoureusement parlant. En attendant, il ne faut pas lésiner sur les petites attentions, et dans les deux sens, il ne faut pas s’oublier !
Heureuse que ce soit derrière nous, et je n’ai pas trop de stress pour la suite, je me dis qu’on a été bien entourés. C’est paradoxalement maintenant que c’est le plus chiant, car on doit souvent rappeler que le parcours préma ne s’arrête pas à la porte de la néonat. On n’arrive pas aujourd’hui à dire quel âge développemental ont nos filles, un mix entre le 2 et le 5 mois... Les proches manquent aussi souvent de tact (mention spéciale à celle qui a salué ma perte de poids...) et la situation sanitaire pèse beaucoup (mes parents n’ont toujours pas vu leurs petits-enfants...). Mais on va tenir, après de tels roller coaster, je pense pouvoir dire qu’on est fort.
Et je vais retrouver mes filles qui sont en train de kiffer la vie sur leur tapis d’éveil !
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