Témoignage, Alice 25 ans : Ma grande prématurité est une force !
Publié le
16/02/2021
Catégories :
Bébé grandit
, Etre parents de prématurés
Alice a aujourd'hui 25 ans, elle nous parle de sa vie actuelle, de son engagement auprès des prématurés, des forces qu'elle a puisé dans son parcours de grande prématurée.
Pouvez-vous nous raconter les circonstances de votre naissance ?
Je suis née le 19 septembre 1996 à Reims au terme de 29 SA. Ma mère a fait une prééclampsie, et je ne grandissais plus dans son ventre...Lorsque j’arrive au monde je pèse 920g pour 37,5 cm. Je nais sans persistance du canal artériel comme un bébé né à terme, un miracle pour mon médecin !
Tout semblait bien aller malgré les difficultés respiratoires, typiques d’un bébé né à ce terme. Le 20 septembre, je pesais 820g, je perds donc 1/5ème de mon poids en une seule journée. Puis je descends à 740g à 10 jours de vie, je fais un choc septique, suivi d’une septicémie, j’étais condamnée...à moins d’un miracle pour que je m’en sorte ! Heureusement il a eu lieu sinon je ne serais pas là pour raconter mon histoire...
Au total, je resterai hospitalisée 95 jours, 2 mois et demi en réanimation et un mois en néonat, je suis sortie le 24 décembre pour Noël !
Photo personnelle
A quel âge avez-vous compris que vous aviez eu un début de vie particulier ?
J'ai compris ma prématurité à l'adolescence, à l'âge de 16 ans, lorsque je rencontrais des personnes que je connaissais peu et qui me racontaient mon histoire.
Avez-vous des souvenirs ?
Oui, j'ai des souvenirs grâce aux nombreuses photos de mon séjour à l’hôpital (la 1ère photo : le jour de ma naissance, j’avais 2h !) et par les récits de mes proches.
Au cours de votre vie, avez-vous eu l’impression que la prématurité vous a mis en difficulté ?
Non au contraire, ça a toujours été une force et notamment ces dernières années grâce à SOS Préma que j'ai intégré en 2016 et la Société Française de Néonatalogie que j’ai rejoint en 2019 en tant que membre invité (n’étant pas professionnel de santé) pour faire avancer la recherche médicale en néonatalogie.
Photo personnelle
Un jour, j’ai montré des photos à ma petite sœur qui devait avoir 11 ans, elle m’a répondu : “on dirait que tu es morte sur la photo”. Ça m'a bouleversé, mais j’estimais qu’elle était en âge de comprendre le combat que j’avais mené.
Ces dernières années, grâce à la prématurité, j’ai fait des rencontres qui ont changé ma vie, des amis qui sont devenus ma famille. C’est vraiment mon moteur et ma force au quotidien. J’ai également repris contact avec mes pédiatres pour mes 20 ans, c’était important pour moi qu’ils me parlent de mon histoire. Ce sont mes mentors !
D’autres études publiées en 2015 ont également montré que les anciens prémas réussissent moins bien que les autres, et ont des troubles psychologiques. Je ne suis pas du tout d’accord avec cela ! En effet, notre passé de préma fait qu’on a plus d’armes pour s’en sortir dans la vie.
Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, malgré une santé capricieuse (non liée à la prématurité), je me sens bien dans ma peau, je finis mes études et j'ai plein de projets d’avenir comme l’écriture d’un livre sur mon histoire pour mes 25 ans. En effet, la vie est courte et il n’y a que les écrits qui restent…
Je profite de chaque jour que la vie m’apporte. Bien sûr, des appréhensions pour l’avenir, j’arrive à un âge où j'ai des envies d’enfants et peur de la prématurité pour mes propres enfants. Mais aucune étude n’a à ce jour démontré l’hérédité de la grande prématurité, donc je pense qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter :)
Mais je dirai qu’en tant que préma devenu adulte on garde toujours un côté fragile, que ce soit physiquement ou psychologiquement, même si je n’ai aucune séquelles, de nombreux anciens prémas sont hypersensibles !
A quel métier vous destinez-vous ?
J'ai toujours été passionné par la médecine et la pharmacologie mais c'est au métier d'ingénieur biomédical que je me destine aujourd’hui.
J’ai éloigné la médecine néonatale, avec mon histoire personnelle j’ai peur de manquer de discernement, et que l’affectif prenne trop de place, donc finalement je suis contente de l’orientation professionnelle que j’ai choisie, et je vais pouvoir collaborer avec le milieu médical ! Et pourquoi pas un jour créer une start-up dédiée à améliorer les dispositifs en néonatologie. Ce serait formidable !
Que diriez-vous aux parents de prématurés qui vous écoutent ?
Je leur dirai de ne pas perdre espoir, car chaque jour est un nouveau combat à mener ! Ma devise: je n’ai pas survécu pour rien, j’ai fait le Koh-Lanta de la vie !
La présence de ma famille pendant mon hospitalisation m’a beaucoup aidé, tous les bébés n’avaient pas cette chance. En tant qu’ancienne préma, je mesure tous les jours la chance que j’ai de profiter de la vie et de pouvoir aider les parents. Et en tant que scientifique, je pense que nous avons le devoir de faire avancer la recherche sur les pathologies que l’on rencontre en réanimation néonatale.
Pour les parents et les anciens prémas, n’hésitez-pas à me contacter si vous avez besoin d'une écoute ou d'informations sur les pathologies liées à la grande prématurité. Vous pouvez me contacter à l'adresse mail suivante: alicelarue19@gmail.com.