Confidences de Papa : Les papas ont plus que jamais leur place !
Publié le
27/05/2021
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Bébé à l'hôpital
, Bébé grandit
, Etre parents de prématurés
Après une première épreuve très difficile, avec la perte de Joseph, leur premier enfant, Aurore et Pierre ne seront pas épargnés par les péripéties que leur réserve la seconde grossesse d’Aurore.
La Covid aurait pu tout faire basculer, mais la ténacité, le courage et l’amour de cette famille l’ont emporté ! Découvrez le témoignage très touchant d’un mari/d’un papa au soutien et à la présence sans faille.
"J’ai souhaité ici livrer mon témoignage de papa car il me semble que la parole des pères est encore trop peu présente, a fortiori quand il s’agit de parler de la prématurité et du séjour en néonatalogie. Je souhaite ici pouvoir partager mon expérience afin de rassurer des papas en leur montrant qu’ils ont plus que jamais leur place auprès de leurs enfants durant leur hospitalisation.
Nous sommes les heureux parents de Faustine et Céleste, sœurs jumelles nées le 29 Janvier 2021, à 25 + 5 SA.
Après avoir donné naissance à Joseph, né sans vie, le 17 Juin 2020, nous avons eu l’immense bonheur de découvrir cette nouvelle grossesse avec un double bonheur à la clé. Après le grand malheur que nous avions vécu, nous avons vu cela comme un signe de la vie, un signe pour nous montrer que la vie triomphe toujours sur la mort. Nous ne croyions pas si bien dire à l’époque…
Si au départ, nous ne souhaitions pas nous réjouir tant nous avions souffert de perdre notre premier enfant, les semaines passant nous avons fini par nous faire à l’idée que nous allions vivre le grand bonheur d’accueillir deux enfants en même temps. Si nous vivons aujourd’hui ce grand bonheur, c’est sans compter les péripéties que nous avons vécu entre la naissance des filles et leur retour à la maison...
Quand la COVID entre dans leur vie, le sentiment de culpabilité de Pierre !
Le Jeudi 21 Janvier, Aurore, mon épouse, se trouve fiévreuse. Après vérification, la fièvre est bien là. Sur les conseils de la gynécologue, nous décidons de partir aux urgences de la maternité de Port Royal où nous sommes suivis. Aurore est tout de suite prise en charge par une sage-femme formidable et très importante à nos yeux, celle qui a mis au monde notre petit Joseph. Épidémie oblige, je suis contraint de rester dans le hall de la maternité et attend fébrilement des nouvelles. Le monitoring est bon mais les contractions sont là et une menace d’accouchement prématuré est diagnostiquée. La fièvre étant toujours là, Aurore est hospitalisée.
Dans la nuit, nous découvrons avec stupeur qu’elle a contracté le Covid, et le variant anglais de surcroît. Nous sommes alors désespérés car nous avions tout mis en œuvre pour éviter cela. Aurore était isolée depuis le mois d’Octobre, nous ne voyions personne et avions décidé de passer les fêtes de fin d’année seuls afin de limiter au maximum les risques. Malheureusement, étant enseignant, je suis au contact tous les jours d’élèves potentiellement contaminés et malgré tous mes efforts, je n’ai pas réussi à préserver la santé de ma femme. Je suis alors submergé par un sentiment de culpabilité.
L’état de santé d’Aurore se dégrade
Tout de suite, les pédiatres viennent voir Aurore dans sa chambre d’hôpital. Ils m’appellent afin de me tenir au courant de ce qui va être dit. A 24+5 SA, il est tout à fait envisageable de prendre en charge les enfants. L’hospitalisation sera longue mais c’est possible. Nous nous disons donc qu’il reste encore un espoir. Le week-end se déroule plutôt bien et Aurore ne développe pas plus de symptômes tandis que je suis isolé chez moi et très malade. Nous espérons alors que la tempête va s’éloigner et que tout va rentrer dans l’ordre. Malheureusement, dans la journée du Dimanche, Aurore commence à sentir une gêne respiratoire. Elle est placée sous oxygène et ses besoins augmentent très rapidement : elle est en train de décompenser. S’en suit une hospitalisation en urgence en soins intensifs de pneumologie puis en réanimation 12 heures après avoir été admise en soins intensifs. Les réanimateurs prennent en charge Aurore mais ils semblent inquiets. Ils pensent que la grossesse peut représenter un grave danger pour la maman. Aurore s’accroche et refuse de baisser les bras. Elle est placée sous des machines ventilatoires dites non invasives mais qui me paraissent déjà très invasives. Elle se bat…sous mes yeux en visio car je suis toujours isolé et positif au Covid.
Nous passons ainsi trois jours. Je ne la lâche pas. La nuit, je reste connecté et lui fais la lecture pour qu’elle tienne le coup, pour éviter qu’elle « s’endorme ». Nous apprendrons ensuite que ces endormissements qui semblaient très douloureux étaient en réalité des ralentissements cardiaques très importants. Les obstétriciennes se succèdent plusieurs fois par jour pour faire des échographies. Les bébés vont toujours bien. Aurore continue à se fatiguer et les réanimateurs sont de plus en plus inquiets.
Le Jeudi 28 Janvier, les réanimateurs décident finalement de l’intuber et de la placer dans le coma en tentant de laisser les enfants dans son ventre. L’idée est de faire passer la crise aiguë de la maladie et de gagner du temps pour les filles car à ce stade de la grossesse, chaque jour gagné est précieux.
Les obstétriciens décident de déclencher l’accouchement
Malheureusement, le Vendredi 29 au matin, alors qu’Aurore est toujours plongée dans le coma et moi toujours isolé car mon test de la veille s’est encore révélé positif, je reçois un coup de fil de l’obstétricienne qui me dit que le col est très dilaté et qu’il va falloir accoucher Aurore en urgence. La décision est prise de transporter Aurore vers la maternité pour maximiser les chances de survie des enfants. Tout était pourtant prêt dans sa chambre de réanimation « au cas où ». Les incubateurs disposés à côté d’elles n’auront finalement pas servi.
Je décide alors de retourner faire un test… de « tenter ma chance »… pour être auprès de mes filles lors de leur naissance. Après un suspens interminable de 15 minutes dans la pharmacie, le résultat tombe, je suis négatif. Je prends alors mes jambes à mon cou pour aller à la maternité. J’arrive très choqué aux urgences. Les filles sont nées mais on ne peut pas encore me dire si elles vont bien, si Aurore a supporté la césarienne. J’attends dans ce grand couloir donnant sur l’avenue Denfert-Rochereau, avenue que nous avons tant parcourue quand nous étions étudiants…
A 13h40, on vient me chercher. Les filles sont nées 20 minutes auparavant. Elles vont bien. Aurore va bien elle aussi. Les réanimateurs ont observé une amélioration de son état dès la sortie des bébés. Ils sont moins inquiets. Elle est déjà repartie en réanimation. Je me retrouve alors face à de nombreux pédiatres qui s’occupent de mes filles. Je ne perçois pas d’agitation, de nervosité ou d’inquiétude dans la salle. Chacun de leur geste semble doux et calculé. Ils me demandent les prénoms. Après vérification de l’ordre de sortie et de la position des bébés dans le ventre, je leur dis : « J1 est Faustine, J2 est Céleste ». J’entends alors une salle de naissance se remplir de « Faustine, Céleste,Faustine, Céleste, Faustine, Céleste »… C’est beau, malgré tout.
Les filles sont sous mes yeux, si petites… Faustine pèse 770 grammes, Céleste 675 grammes. Elles sont très rapidement emmenées vers le service de réanimation néonatale. Elles sont alors prises en charge par des infirmières qui sont si douces et si gentilles. Elles m’expliquent ce qui va se passer dans les heures à venir puis me disent d’aller voir Aurore.
Je pars alors bouleversé. J’annonce la naissance des filles à Aurore qui est toujours endormie. Je ne saurais jamais si elle m’a entendu ce jour-là… elle me dit n’avoir aucun souvenir. C’était si difficile de vivre ce moment seul, de ne pas pouvoir partager ce double sentiment d’inquiétude mais aussi de joie face à la naissance de nos filles.
La présence et le soutien sans faille de Pierre, le Papa
S’en suit un week-end passé au chevet des filles. Leurs petites mains agrippent mon doigt. Je n’arrête pas de leur dire que cela va aller et qu’il faut qu’elles s’accrochent pour rencontrer leur maman.
Aurore sort du coma le Dimanche et est extubée. Elle ne réalise pas encore vraiment ce qu’il s’est passé. Face à l’urgence de la situation, je lui demande si elle est d’accord pour essayer de tirer son lait de façon à pouvoir donner des forces aux filles. Elle me dit oui. J’introduis alors un tire-lait en service de réanimation. Les réanimateurs me regardent d’un air goguenard. Pourtant, je suis persuadé que cette action va permettre à Aurore de se connecter à distance avec ses filles. J’espère aussi à ce moment-là qu’elle pourra leur donner le sein quand elles seront capables de téter… Je sais que ce lien, elle seule pourra l’avoir car je ne veux pas prendre toute la place auprès des filles, je ne veux pas vivre toutes les « premières fois ». Je veux qu’elles tissent un lien fort avec leur maman même si elle n’a pas pu les voir tout de suite.
Finalement, 6 jours après leur naissance, le Mercredi 3 Février, Aurore est transférée à la maternité, elle va pouvoir rencontrer ses filles. Si ses forces sont très limitées, les quelques minutes qu’elle passera à leurs côtés resteront un souvenir très fort pour moi, pour nous… une première victoire. Un long séjour en réanimation nous attend, nous le savons. Nous sommes aux côtés des filles, tous les jours. Je viens tous les après-midis, Aurore, qui va rester hospitalisée trois semaines, les verra aussi tous les matins. S’en suivra une phase d’hospitalisation à domicile avec de l’oxygène à la maison pour Aurore.
Cette phase aura été la plus difficile pour moi car je devais avoir des forces à la fois pour les filles et pour Aurore, pour la soutenir dans sa vie quotidienne, pour l’aider à récupérer et pour la conduire tous les jours à l’hôpital car il est impossible pour elle de prendre les transports en commun. Les jours se suivent… Nous sommes chaque matin si inquiets quand nous appelons les infirmières pour savoir comment s’est passée la nuit. Chaque jour, nous sommes si heureux de retrouver les filles, de pouvoir les prendre dans nos bras, de pouvoir assister à leurs progrès quotidiens.
Le parcours de Faustine et Céleste
Finalement, les filles auront un parcours assez « simple » en réanimation. Faustine sera vite extubée au bout de 24 heures, Céleste au bout de trois jours. Après une chute importante de poids pour Céleste, qui a pesé 540 grammes au minimum, elles reprennent toutes les deux des forces… malheureusement séparées, chacune dans une chambre car elles doivent être isolées dix jours en raison de l’infection au Covid de leur maman.
A ce terme de naissance, les problèmes respiratoires peuvent être importants, notamment en raison de la persistance du canal artériel, canal qui se ferme tout seul quand un enfant naît à terme. Ce canal peut se fermer par traitement médicamenteux à base d’ibuprofène mais il peut aussi persister. Faustine aura la chance de voir son canal se fermer par les médicaments. Céleste devra passer par la chirurgie. Nouvelle inquiétude pour les parents. Une chirurgie sur un bébé d’un kilo, cela semble impensable. C’est sans compter l’excellence de nos services de santé. On nous explique alors qu’à l’hôpital Necker, des cardiopédiatres réussissent la performance de poser une petite prothèse par cathétérisme : nul besoin d’inciser Céleste, la prothèse passera par l’artère fémorale.
Nous sommes rassurés et admiratifs de la prouesse technique dont va bénéficier notre fille. Céleste sera opérée à Necker très rapidement et reprendra vite des forces.
Au bout de 55 jours, les filles ont pu quitter le service de réanimation pour aller vers un service de néonatalogie « classique ». Durant ces 55 jours, nous avons été accompagnés par des infirmières formidables. Nous les appelons les bonnes fées tant elles ont œuvré pour que nos filles grandissent. Il est certain que sans elles, les filles n’auraient probablement pas survécu. Avec elles, nous auront vécu chaque étape avec beaucoup de bonheur : les premiers peau à peau, la sortie de l’incubateur pour aller vers une table chauffante, le premier bain… Chacune de ces étapes qui nous donnent de la force à nous les parents car elles nous donnent de l’espoir.
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Elles auront aussi permis de réaliser mon désir de lancer l’allaitement malgré les circonstance. Grâce à leurs conseils et à la pugnacité d’Aurore, les filles ont pu rapidement bénéficier du lait de leur maman… Mieux, leur maman a tellement produit de lait qu’elle a pu en donner pour les autres bébés nés trop tôt et ayant besoin de ce précieux liquide pour bien grandir.
Le séjour en néonatalogie se passera en deux temps car nous avons été transférés dans un autre hôpital au cours du chemin. Les enjeux dans ces services ne sont plus les mêmes. On ne craint plus pour la vie de nos enfants. Il faut « simplement » leur apprendre à manger et parfois à respirer seuls. Par chance, nos filles ont rapidement apprécié téter. Elles ont aussi beaucoup apprécié prendre le sein de leur mère : mon pari du début était gagné ! Ce lien unique qui peut se tisser entre un enfant et sa maman a pu être tissé. De mon côté, j’ai pu donner le premier biberon, un grand bonheur.
Ce séjour en néonatalogie aura été le plus dur à supporter nerveusement car on a envie de voir la fin, de (re)commencer à vivre. Chaque petit événement sur le scope est difficile à accepter… on se demande chaque jour si on va voir le bout du tunnel. Et puis, un beau jour, on nous annonce que c’est bon, que c’est fini. On arrête les scopes.
L’heure du retour à la maison, de la vie à 4
Ce jour-là, le Mardi 27 Avril, nous avons beaucoup pleuré de joie et de soulagement avec Aurore et nous nous sommes empressés de rassembler nos affaires et de prendre Faustine et Céleste avec nous pour démarrer notre nouvelle vie à 4 à la maison. Après 89 jours d’hospitalisation, nous nous sentons certes fatigués mais aussi si heureux que cela soit terminé. Si fiers aussi que les filles sortent 20 jours avant le terme prévu de leur naissance alors qu’on nous avait annoncé au début une hospitalisation de 4 voire 5 mois. Nous nous disons aussi que nous avons bien fait d’être le plus souvent possible aux côtés de nos filles pour leur donner des forces et pour assister à leurs progrès quotidiens.
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Depuis, nous vivons un grand bonheur de les voir grandir et s’épanouir. Ce parcours aura été certes long, très difficile au début, mais Faustine et Céleste nous ont montré qu’il ne fallait jamais perdre espoir. Nos bébés sont très forts et ils s’accrochent à la vie.
Nous sommes conscients de notre chance. Certes le mot « chance » peut paraître étrange quand on découvre notre histoire et pourtant nous sommes chanceux, chanceux d’être tous les 4 en bonne santé et chanceux d’avoir été si bien pris en charge. Nous ne remercierons jamais assez le service de néonatalogie de Port Royal qui a sauvé nos filles. Nous avons aussi une pensée pour les infirmières de l’hôpital Saint Joseph qui ont accompagné les filles vers la sortie.
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